Le Gothique
Klosterfriedhof im Schnee (1819) de Caspar David Friedrich (1774-1840), peintre romantique
e roman gothique ou gothic novel est un genre littéraire d’origine anglaise, précurseur du roman noir français (alors que les Anglais gardent toujours le terme "gothic" pour parler des romans s’inspirant du roman gothique en les nommant "gothic fiction"), et inspirateur de la littérature fantastique horrifique.
I – Origines
Gothique vient du mot latin gothicus, "barbare". Il fut utilisé dès le XVe siècle par les Italiens pour décrire ce qui s’inspirait du Moyen-Âge, considéré alors comme l’ère la plus barbare de l’Histoire occidentale.
Au XVIIIe siècle, alors que les anglais redécouvraient leur Histoire, les nobles se passionnèrent pour la période médiévale ; certains ce firent même construire des châteaux féodaux pour pouvoir y vivre. Parmi eux ce trouvait Horace Walpole, 4e comte d’Oxford et auteur de Le Château d’Otrante ("The Castle of Otranto, a gothic story"), l’œuvre qui mit le feu aux poudres et donna naissance à tout un genre littéraire : le roman gothique.
II – Eléments distinctifs et thèmes
Le roman gothique se reconnaît à certains procédés précis :
- la présence d’un lieu médiéval (château, crypte…) ;
- des évènements surnaturels ;
- une ambiance sombre ;
- l’importance de la Passion sur la Raison (thème qui sera le fondement du courant romantique) ;
- l'importance de la Nature ;
- la recherche de l'exotisme.
A une époque où l’on ne jurait que par les philosophes des Lumières et leur sacro-sainte Raison, le mystère et la magie devenaient des sujets intéressants, car niés et soumis au ridicule.
Le roman gothique était un forme de révolte contre cette surpuissance de la Raison ; un combat qui se poursuivra des années plus tard avec les romantiques (qui, à bien des égard, ont hérité des auteurs gothiques).
La perte de l’innocence, la séquestration, la Mort, l’effroi, l’occultisme, l’érotisme malsain… autant de thèmes tabous, car faisant peur, furent les piliers de la littérature gothique. Ces sujets furent souvent repris par d’autres auteurs et continuent d’alimenter la littérature du XXIe siècle, bien qu’aucun ne puissent désormais prétendre à l’appellation "gothique", puisque ce genre s’est éteint vers 1820.
III – Un lien avec le mouvement musical "gothique" ?
A la fin des années 1970 se créa une scission dans le mouvement punk : sa frange la moins politisée et la plus esthétique devint un mouvement à part entière, le mouvement batcave (du nom d’un club londonien de l’époque, The Batcave).
Vêtus souvent de noir et délivrant une musique plus douce que le punk, en marge du rock conventionnel, les batcaves s’amusèrent à reprendre des symboles et des thèmes inspirés du cinéma d’horreur qui avait lui-même puisé dans le roman gothique. Ayant remarqué cette adoption d’éléments gothiques par certains groupent phares de la scène batcave, les médias rebaptisèrent ce milieu, à tord, "mouvement gothique". Dès lors le mot "gothique" a perdu toute sa signification et est devenu un fourre-tout où s'entasse tout ce qui est un tant soit peu sombre. Ann Radcliffe (Les Mystères d'Udolphe, 1794) doit s'en retourner dans sa tombe...
"Où sont nos amoureuses ? Elles sont au tombeau : Elles sont plus heureuses sous un ciel plus beau" – Les cydalises, Gérard de Nerval